Harmony était assise à sa table. Elle poussa un long soupire. Désespoir ou soulagement? Un peu des deux.  Le truc c’est qu’elle avait travaillé toute la matinée sur le haut d’un costume, elle avait très bien avancé, elle avec pratiquement terminée, le seul problème c’est qu’elle n’arrivait plus. Après un certain temps, la concentration était partie, alors faire de tous petits détails avec de la colle, des brillants, du fil et son aiguille, ça devenait impossible. Impossible était un mot faible puisque rendu vers le midi, elle entendait son ventre crier famine. Elle avait une fois de plus oublié de prendre un petit déjeuner avant de se mettre au travail. Oups. Maintenant elle mourrait de faim. Elle jeta un coup d’œil à l’heure. Quoi déjà !? Elle avait l’impression que ça faisait qu’une heure ou deux qu’elle travaillait sur ce haut. Si elle prenait autant de temps, elle allait être en retard pour terminer le costume. Un instant de panique envahit Harmony puis elle décida de respirer un bon coup.

Tout allait bien se passer. Parce qu’elle était bonne. Tout simplement. Voilà, on devait tout simplement voir les choses du bon côté, ne pas se presser et tout allait être beau. En pyjama, un pyjama tout simple d’un chandail trop grand pour elle, qu’elle avait volé subtilement à son grand frère ainsi qu’un short pas trop court, mais pas très long non plus, Harmony flânait dans l’appartement. Où était son frère?

- Thaddyyyyy ? Thaddy ? Tu es là ?

Pas de réponse. Pff! Il aurait pu le dire qu’il partait. En fait, il l’avait probablement fait, mais Harmony devait être trop concentrée sur son projet pour l’entendre. Ou elle dormait peut-être. Avec Thaddy, on ne savait jamais quand il entrait et quand il sortait. Mais on savait toujours où il était, parce que s’il n’est pas à son joli appartement tout mignon et plein de rose… Ah non c’est vrai, il n’y a pas de rose dans l’appartement, Thaddy l’avait formellement interdit. Méchant frère. Bref, quand il n’était pas dans le joli appartement, Thaddy était à sa deuxième maison. C’est-à-dire l’hôpital. Pff! L’hôpital. Comment pouvait-il survivre? Harmony savait bien que son frère c’était un super-médecin (non pas un super-héro, un super-médecin, c’est pratiquement la même chose, sauf qu’il ne fait que sauver le monde… Et il ne bat pas les méchants, de toute façon, avec quels muscles Thaddy pourrait bien faire du mal à des méchants, hein? Il n’en avait aucun! Mais il ne faut pas le dire, sinon il va être fâché.) On disait donc qu’Harmony savait bien que son frère était un super-médecin, mais ce n’était tout de même pas une raison pour ne pas voir sa famille de temps en temps et de se négliger. Il était du genre à ne pas dormir de la nuit (Ok. Harmony faisait la même chose, mais il ne faut pas le dire) et à ne pas penser à se nourrir, c’était donc là que la SUPER-SŒUR-COUTURIÈRE-DE-LA-MORT-QUI-TUE entrait en jeu. Justement celle-ci ouvra la porte du réfrigérateur et regarda ce qu’il y avait dedans.

Nouveau soupir.

Il va falloir plus de fruits et de légumes et des bonnes choses à manger. Harmony faisait son possible, mais elle aimait tellement ça qu’elle en laissait peu pour son frère. Bon. Il fallait lui préparer de bonnes choses à manger. Pas seulement un sandwich fade avec des viandes froides, non, non plus que ça, quelque chose de beaucoup mieux. Elle sortit ce qu’il avait de mieux dans le frigo et commença un repas pour deux personnes. Une salade toute simple avec une tonne de légumes et pas trop de vinaigrette, accompagné d’un petit sandwich pas trop gros aux œufs et pour terminer une petite sucrerie, des brownies qu’elle avait déjà acheté et qu’elle gardait dans une réserve secrète que son frère n’avait pas du tout accès. Tant mieux.  

Une fois ça fait, elle plaça le tout dans un sac et elle n’oublia pas de mettre quelque chose pour garder le tout au froid. Oh! Elle allait presque oublier quelque chose à boire, elle sortit donc deux petite contenant de jus de fruits, fait avec des vrais fruits qu’elle rajouta dans le sac. Donc, une fois qu’Harmony termina son pique-nique improvisé, elle fila en vitesse dans sa chambre, question de se changer. Elle vêtit une robe lui arrivant aux genoux, blanche, qu’elle avait fait elle-même, accompagnée de talons hauts blancs et noirs et d’un collier, lui, complètement noir. Elle défit son chiffon qu’elle avait rapidement fait, parce que ça allait mieux de ne pas avoir de cheveux dans le visage lorsqu’elle travaillait. Harmony brossa rapidement ses longs cheveux et les laissa détachés. Voilà, elle était prête pour une visite à l’hôpital!

En cette belle journée ensoleillée, Harmony marchait d’un pas rapide vers le lieu de travail de son frère. Elle voulait à tout pris le prendre avant qu’il ne mange et elle ne voulait pas non plus qu’il oublie de manger, des inquiétudes de sœur, tout simplement. Au lieu de profiter de la belle température, Harmony fila directement à l’hôpital, son sac en main… Euh. Quel sac? Quoi !? Elle l’avait vraiment oublié !? Non, mais. Elle se traita d’idiote intérieurement. En plus elle était presque arrivée à l’hôpital! Elle devait faire tout le chemin en sens inverse. Elle se traita encore une fois d’idiote puis fila encore plus rapidement vers l’appartement. Elle entra comme si elle courait, même si elle ne pouvait pas vraiment courir puisqu’elle était en talon, puis elle prit le sac et reparti tout aussi rapidement qu’elle était arrivée.

Le résultat fut qu’elle arriva essoufflée à l’hôpital. Une fois rendue dans l’établissement, elle prit une respiration, puis une deuxième. Voilà se calmer, prendre son temps, tout va bien. Elle s’adressa à la réceptionniste qu’elle connaissait bien, vu qu’Harmony venait souvent à l’hôpital il était bien normal qu’elle et la réceptionniste soient amies. Harmony lui demanda tout simplement où était son frère, quel pavillon où quel étage il était.

Une fois qu’elle eut la réponse, Harmony fila directement voir son grand frère adoré. Elle regarda discrètement dans les chambres des patients pour voir si son frère s’y trouvait. Mais elle ne le voyait pas. Alors elle fit la moue. C’était chiant quand elle ne le trouvait pas. Au moins il y avait une réception uniquement pour cette partie de l’hôpital où Thaddeus se trouvait présentement, elle pouvait donc demander à une infirmière, si elle pouvait faire en sorte qu’il soit ici rapidement.

Harmony se demandait seulement comment elle allait l’accueillir. Elle pourrait lui dire : Hello grand frère Thaddy! Avec un immense câlin et un magnifique sourire ou encore tout le contraire, lui sortir un gros THADDEUS JOPLIN, COMBIEN DE FOIS T’AI-JE DEMANDÉ DE ME DIRE LORSQUE TU SORTAIS. Mais la deuxième option faisait trop ‘’mère d’adoption pas sympathique du tout, alors elle laissa tomber l’idée. Elle se demandait également comment son frère allait réagir en la voyant. Probablement un : QU’EST-CE QUE TU FAIS ICI, JE T’AI BIEN DIT DE NE PAS ME DÉRANGER LORSQUE JE TRAVAILLE. Avec son air super bougonneur de la mort que tue. Il est déprimant Thaddy des fois.

En se questionnant Harmony l’attendait sagement, non sans avec une petite pointe de nervosité. Mais il fallait avouer qu’elle était là pour une bonne cause… Non ?

Bon, ça ressemblait plutôt à l’une des arrivées de Thaddeus qu’Harmony avait prévu. La réprimander. Encore. Toujours. Harmony avait une seule envie. Pousser un long soupir de découragement. Quand allait-il enfin comprendre qu’elle avait dix-huit ans et qu’elle est bien assez vieille pour aller où bon lui semble. Sinon, c’est complètement idiot! En plus ici ce n’est qu’un hôpital. Mony comprenait bien pourquoi il ne voulait pas qu’elle vienne ici. Il avait peur qu’elle soit malade, ça se voyait bien sur son front soucieux. Mais franchement. Harmony porta ses poings à ses hanches et regarda son grand frère. Elle n’avait nullement peur de lui.

- Je suis ici parce que je voulais te voir. Parce que tu es partie tôt ce matin et qu’il est l’heure de manger. Et comme je te connais, Thaddy, je sais que tu n’as pas encore mangé et si je ne te force pas, tu vas tomber au sol mort de fatigue. Tu as besoin d’une petite pause. Dit-moi ça fait combien d’heures que tu vas voir tes patients et que tu leurs poses milles et une question, hein? Sa doit faire des HEURES! Tu imagines!? Je ne sais pas comment tu fais, Thaddy, mais tu es super doué.

Assez parlé, pour l’instant. Harmony s’approcha de son grand frère et lui fit un immense câlin, pas besoin d’user de son pouvoir pour le mettre tout bien, au fond d’elle Harmony savait que si on s’occupait bien de Thaddy, il allait très être très heureux. Du moins, c’est ce que la cadette en pensait. On ne se doutait bien qu’il y avait une différence entre ce qu’Harmony pensait et ce que Thaddeus pensait ou faisait. Elle repensa à ce que son frère avait dit. Il serait peut-être bien de lui rappeler certaines choses.

- Tu sais, mon cher frère, dit-elle en lui prenant le bras, que j’ai dix-huit ans et bientôt dix-neuf, je crois que j’ai tous les droits du monde de pouvoir mettre mes pieds dans cet hôpital, encore plus si c’est pour te voir. Maintenant, arrête de faire le grincheux, elle se permit de l’imiter pour l’embêter encore plus, et vient avec moi, s’il te plaît. Je ne te demande pas de quitter pour le restant de la journée, tu sais aussi bien que moi que c’est totalement impossible, mais si tu pouvais, au moins, passer ton heure de dîner avec moi, j’en serais très heureuse et tu aimes quand je suis heureuse, non? Et en plus j’ai déjà préparé un très bon repas qui va être excellent. Et extraordinaire si tu le manges avec moi.

Ceci était du chantage? Noooon. C’était tout simplement de l’amour fraternel. C’est avec douceur qu’Harmony se mit à marcher en direction inverse des patients et des infirmières. Justement, parlant d’elles, elle devait bien se marrer à voir le DOCTEUR JOPLIN se faire mener par le bout du nez par une jeune femme comme Harmony. Il fallait avouer qu’elle était particulièrement bavarde et était du genre à taper sur les nerfs de tout le monde à cause de ça. Mais Harmony ne se souciait pas de ce que les autres pensaient d’elle… Sauf de Thaddy, bien sûr! Quoi que ça dépendait des journées et comment elle allait.

Arrêter de l’appeler Thaddy ? Chose impossible! Complètement! Franchement, il ne savait pas ce qu’il disait, parce qu’il savait bien tout autant qu’elle qu’Harmony renoncerait jamais à l’appeler ainsi. C’est surtout parce que c’est le surnom qu’elle lui avait donné dès qu’elle était en âge de parler et qu’elle trouvait ça tellement mignon qu’elle ne pouvait s’empêcher de l’appeler autrement. Mais parce qu’on était à son lieu de travail, Harmony était d’accord sur le fait que ce n’était pas très approprié et que les infirmières allaient probablement rire de lui, ou tout simplement trouver ça mignon.  Avec un peu de chance, se serait plutôt la deuxième option qu’elles envisageraient et ainsi Thaddy pourrait sociabiliser un peu avec les femmes et éventuellement se trouver une copine. Tout ça, grâce à elle! Ça serait TELLEMENT merveilleux!
Mais il ne faut pas trop rêver non plus!

- Très bien dans ce cas, je vais t’appeler Docteur Joplin, lui dit-elle avec une légère moue. Parce qu’il faut avouer que ce n’est pas ce qu’il y a de plus drôle d’appeler son frère ainsi. Quoi que sa pourrait toujours rappeler aux moments où ils jouaient au docteur ensemble, en mémoire à leur papa chéri qui faisait ce métier.

Il ne faut pas trop se plaindre. Harmony s’assit à la table, en face de son frère, toute souriante malgré sa petite moue qu’elle venait tout juste de lui faire. Elle allait l’épater avec son méga repas de la mort qui tue, parce que c’est comme ça qu’on nomme les repas fait à partir de rien ou de peu de choses.

- Alors, d’abord, pour chacun de nous un jus, une salade avec une TONNE de légumes, parce que c’est super bon les légumes pour la santé et j’adore ça, un sandwich aux œufs pour chacun de nous et pour terminer un petit dessert. Elle sourit d’avantage si c’est humainement possible. Tu sais que je ne peux pas résister aux sucreries et tout ce qui est chocolaté encore moins, alors j’ai pris ce qu’il restait de brownies… C’est vachement trop bon ces trucs-là tu le sais bien. Et même si un médecin comme toi dirait que ce n’est pas bon pour la santé parce que c’est gras et blablabla, c’est vraiment trop délicieux alors je les ai tout de même emporté avec moi! J’espère que tu n’es pas contre, parce que si oui, je les mange tous.

Et pour en rajouter elle lui fit une grimace de gamine avant d’éclater de rire. Bon, c’est vrai que son frère pouvait s’inquiéter pour elle de temps en temps, elle avait beau avoir dix-huit ans, ça ne paraissait pas tous les jours qu’elle les avait!

- Donc, je te souhaite un bon appétit et que ce ne soit pas trop mauvais! Parce que si ça arrive, je vais vraiment être triste. Et vu que le frigo commence à être vraiment très, très, très vide, je passerais chercher des bonnes choses à l’épicerie avant de retourner à la maison, j’ai besoin de marcher et de prendre l’air un peu, parce que je suis totalement découragée par la dernière création que je suis en train de faire. J’espère au moins que la personne va être contente en le voyant et… Et je dois encore terminer les petits détails et c’est pour demain.

Elle soupira puis posa sa tête contre la table de la cafétéria, découragée. Au menu cette nuit : une nuit blanche pour Mlle Joplin. Des heures de plaisir, en espérant qu’elle ne finisse pas endormi sur sa table de travail comme il lui arrive souvent de faire.